» Attrape-moi si tu peux, oppresseurs ! » C’est par ce défi provocateur qu’un collectif activiste faisait récemment parler de lui. Leur cible ? Ces nouveaux « inquisiteurs » qui, au nom du « wokisme », s’arrogent le droit de décréter ce qui peut ou non être exprimé.

Mais qu’est-ce donc que ce mouvement qui soulève aujourd’hui tant de passions ? Exit les jugements hâtifs. Le wokisme désigne avant tout une prise de conscience face aux discriminations systémiques qui meurtrissent encore nos sociétés. Un éveil des consciences, donc, dont les visées émancipatrices trouvent leurs origines dans les grands combats antiracistes.

Pieuse ambition que certains accusent pourtant d’avoir dégénéré en une nouvelle forme d’oppression. Celle d’une tyrannie puritaine muselant toute voix discordante au nom de sa conception unique du « Bien »…

 

Les racines du wokisme

Avant de plonger dans les aspérités de ces controverses contemporaines, il convient de retracer la généalogie d’un mouvement aux racines séculaires. Dès le 19e siècle, des penseurs noirs américains comme Booker T. Washington ou Leadbelly appellent leurs frères à rester « éveillés », « woke », face aux injustices du système racial en vigueur.

Une flamme que l’iconique Martin Luther King ravivera au siècle suivant, dans sa lutte pour les droits civiques. « Le défi, c’est de demeurer éveillé pendant la révolution sociale ! », clamait-il avec ferveur.

Des sillons creusés plus avant par les théories décoloniales et les études postcoloniales qui, à partir des années 1960, mettent en lumière les mécanismes insidieux de la domination occidentale. Un faisceau d’influences qui ont peu à peu convergé pour donner corps au « wokisme » actuel et ses concepts phares : « intersectionnalité », « positionnnalité », « justice sociale »…

 

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Les dérives du wokisme

Mais voilà, cette quête d’émancipation radicale n’aurait-elle pas fini par se muer en une nouvelle forme d’autoritarisme tout aussi sournois ? C’est du moins ce que déplorent de plus en plus de voix qui dénoncent les dérives inquiétantes du wokisme dans son versant le plus extrémiste.

À commencer par cette propension à ériger en dogmes ce qui n’était qu’intuitions militantes, au risque d’étouffer la moindre remise en cause. Dissidence assimilée à haute trahison, corruption du débat d’idées au profit d’une nouvelle forme de maccarthysme… Le terreau se révèle fertile pour les postures manichéennes et les lectures réductrices de la réalité.

Pire, le wokisme le plus radical ne reculerait devant rien pour imposer sa nouvelle « langue de bois ». La fameuse « cancel culture » n’est que la partie émergée de l’iceberg, multipliant les cas d’autocensure préventive dans les champs culturels, académiques et jusque dans l’entreprise…Une épée de Damoclès permanente au-dessus de toute parole jugée subversive.

 

Le wokisme et ses impacts sur la société

Mais au-delà des simples querelles d’écoles de pensée, force est de constater que l’emprise grandissante du wokisme n’est plus cantonnée aux sphères intellectuelles. Elle contamine désormais en profondeur notre corps social et institutionnel.

Dans les universités d’abord, foyers historiques de la libre réflexion, les postures militantes semblent aujourd’hui avoir pris le pas sur la recherche désintéressée. Les études sur le colonialisme, la critique des « épistémologies dominantes » sont désormais monnaie courante, au risque d’enfermer les esprits dans le prisme unique d’une lecture racialisée du monde.

Un vent de « pureté » qui souffle également sur les entreprises, contraintes d’afficher leur vertu en adoptant les codes langagiers du moment. Quitte à restreindre la parole de leurs salariés par la menace permanente de la « cancel culture »…

 

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Résister au wokisme : un défi pour l’avenir

Dès lors, que faire pour résister à cette offensive insidieuse ? La tentation serait grande de vouloir combattre le feu par le feu et riposter à l’intolérance par la posture polémique. Une erreur selon de nombreux spécialistes, qui appelle au contraire à plus de nuance et de discernement.

Il s’agirait plutôt de restaurer le débat dans sa plénitude, son absence totale de préjugés et de dogmes. De réhabiliter la vertu du doute socratique et de replacer le libre questionnement au centre de nos pratiques. Oui, les chantiers de l’inclusion et de la justice sociale méritent toute notre attention. Mais par l’échange, la confrontation respectueuse des points de vue, non les anathèmes !

Une posture d’humilité indispensable si l’on veut construire une société où chacun, dans sa singularité, puisse se sentir respecté et écouté. Car n’est-ce pas le terreau de l’apaisement que de se départir de toute prétention à détenir la Vérité ?

 

La voie étroite : résister aux nouvelles tyran​​nies pour sauver nos libertés

Au final, le phénomène « woke » illustre avec force les tensions qui travaillent nos démocraties contemporaines. Entre l’indispensable conscience des oppressions systémiques et la tentation d’un nouveau dogmatisme sectaire, la ligne de crête est définitivement étroite.

C’est pourquoi la vigilance de tous reste de mise face aux menaces d’enfermement dans quelque pensée unique que ce soit. Seul un débat sociétal apaisé, mais vigoureux, pourra nous prémunir durablement des nouveaux Grands Inquisiteurs en tout genre.

À chacun d’entre nous, désormais, d’être cette sentinelle des libertés fondamentales indispensables à la préservation du lien social. Un combat de chaque instant, mais aussi une promesse d’épanouissement pour nos sociétés plurielles.

 

???? : AFP

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