À en croire les discours des thuriféraires bien en cours, Madagascar avancerait d’un pas conquérant sur les sentiers du progrès. Les inaugurations tonitruantes d’infrastructures d’apparat ne manquent pas pour vanter cette nouvelle ère : le Kianja Barea, le téléphérique d’Antananarivo, Miami à Toamasina… Autant de réalisations censées refléter la vitalité d’un pays enfin moderne, érigeant écoles et hôpitaux « manara-penitra » pour parachever cette métamorphose.

Mais à quel prix croire ces rodomontades ? Car en même temps, les statistiques glaciales ne mentent pas : plus de 80% des Malgaches restent englués dans l’étau désespérant de la grande pauvreté. Un fossé béant, entre le faste des vitrines officielles et les lendemains mornes du quotidien pour la majorité de la population. Routes défoncées, services publics dégradés, inflation galopante… Le tableau frappe par son contraste saisissant avec la prospérité tant martelée !

 

Les projets d’infrastructure : Vitrine de développement ?

Kianja Barea et téléphérique d’Antananarivo

Exit les envolées publicitaires convenues ! Ces réalisations-phares censées symboliser l’essor du pays ne trompent personne. À quoi servirait d’admirer le ronronnement du tout neuf Kianja Barea, splendide stade dernier cri, quand les bruits les plus assourdissants demeurent les gargouillis d’estomacs vides ? Tout aussi dérisoire sera le téléphérique flambant neuf chez nos concitoyens trimant chaque jour dans l’angoisse de rejoindre le travail sur des routes tragiquement défoncées.

Oui, ces infrastructures ambitieuses chatoient pour les beaux discours. Mais elles restent de bien pâles mouches face à l’urgence de donner un toit décent aux Malgaches, accès à l’éducation et aux soins de santé primordiaux. Des caprices de grand seigneur mal avisé quand la majorité du peuple ne subsiste que dans la survie la plus frugale.

 

Écoles et hôpitaux « manara-penitra »

L’insulte semble même atteindre son comble avec ces établissements hospitaliers et scolaires neufs, qui se parent du qualificatif ronflant de « manara-penitra » (aux normes) pour mieux se draper dans des standards internationaux. Mais pour qui sont réellement ces vitrines ? La grande masse frappée par la précarité n’en verra jamais l’ombre, reléguée aux services publics décrépis par manque de financements pérennes.

Alors que des parents malgaches trimardent chaque jour des heures à pied pour tenter d’instruire leurs enfants, ces temples de la « modernité » affichent des tarifs indécents pour le portefeuille médian. Et ceux qui s’y risquent n’y trouveront bien souvent que personnels démotivés et plateaux techniques vétustes dans ces cathédrales désaffectées.

 

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La réalité économique : Une population pauvre et précarisée

Taux de pauvreté alarmant

Passées les envolées lyriques célébrant l’avènement d’un nouveau Madagascar prospère, la douche froide des statistiques fait rapidement retomber l’euphorie ambiante. Car avec près de 80% de ses citoyens contraints de survivre sous le seuil de pauvreté extrême, l’Île Rouge persiste dans son funeste statut de pays parmi les plus démunis au monde ! Une réalité glaçante qui vient souligner l’ineptie des sempiternelles politiques économiques prônées depuis des années.

Ces travaux d’infrastructures pharaoniques tant vantés ne semblent donc être que colifichets décoratifs, loin d’apporter une réponse tangible aux défis socio-économiques criants. Quelle parenthèse enchantée pourrait bien célébrer le béton quand l’essentiel fait défaut : un toit, de quoi se nourrir et se vêtir convenablement ?

 

Accès limité aux services de base

Le scandale prend d’ailleurs un tour encore plus criant quand on s’attarde sur l’accès aux services essentiels que sont l’éducation et les soins. De cette grande ola de prospérité martelée, le peuple n’en voit rien venir sur le terrain ! Même dans leurs versions modernisées, les infrastructures scolaires et hospitalières manquent cruellement pour répondre aux besoins de la majorité.

Pis, ces réalisations clinquantes démontrent chaque jour leur inadéquation. Dans les campagnes reculées où la majorité des Malgaches végètent, l’accès à ces établissements reste un privilège de riches. Quand la jeunesse paysanne doit renoncer aux bancs de l’école, à quoi servent les projets « vitrines » de la capitale ?

 

État des routes et des infrastructures

Le contraste ne pourrait être plus saisissant qu’au détour des innombrables routes malgaches, tragiquement défoncées et impraticables. Un constat navrant, qui handicape lourdement les échanges économiques du pays tout en marginalisant un peu plus les populations isolées. Des dizaines d’axes essentiels demeurent dans un état de délabrement avancé malgré les milliards d’ariary censés y être investis.

Une nonchalance dans la gestion des infrastructures existantes qui achève de démontrer le mensonge éhonté des discours officiels. Comment pourrait-on sérieusement vanter le développement d’une île quand les investissements peinent même à entretenir un réseau routier viable ?

 

Inflation et gestion économique

Dernier camouflet, et non des moindres : l’envolée inexorable du coût de la vie à Madagascar. Avec une inflation chronique attisant la flambée des prix de l’énergie et des denrées alimentaires de base, les ménages malgaches subissent de plein fouet l’échec complet des politiques monétaires. Malgré les tentatives gouvernementales de contrôle des tarifs, la situation se dégrade de jour en jour pour des millions de concitoyens.

Une catastrophe économique en marche, démentant chaque jour un peu plus les fables enchantées du renouveau national. Comment pourrait-on célébrer le miracle malgache quand les bourses les plus modestes ne parviennent même plus à joindre les deux bouts en fin de mois ?

 

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Les efforts et défis du gouvernement

Réformes économiques

Certes, il serait injuste d’affirmer que rien n’a été tenté du côté des autorités pour redresser la situation. Nombre de réformes économiques ont effectivement été mises en chantier, avec pour objectifs affichés de relancer l’investissement privé et créer des emplois. Mais force est de constater que les avancées concrètes restent bien en deçà des promesses initiales.

Les textes se sont peut-être accumulés, mais les changements de fond peinent à se matérialiser dans la réalité du terrain. Il faut dire que la quête d’une véritable croissance inclusive, seule à même de diffuser ses bienfaits jusqu’aux couches les plus fragiles, requiert des bouleversements en profondeur que les pouvoirs publics semblent bien trop timorés pour enclencher.

 

Aide internationale

Dans cette impasse, Madagascar se tourne une nouvelle fois vers ses partenaires extérieurs pour retrouver un second souffle. Les institutions internationales comme la Banque Mondiale apportent ainsi un concours financier et technique indispensable pour espérer rebondir. Mais cette aide vitale souffre aussi de son défaut de ciblage judicieux.

Trop de projets ont pâti d’une mise en œuvre bancale ou de détournements par une administration défaillante, égarant l’essentiel des fonds bien loin de leurs destinataires initiaux. Un gâchis insoutenable alors que le pays étouffe sous le poids cumulé de ses crises, exigeant des réformes structurelles implacables pour rompre ce cercle vicieux.

 

Limites et obstacles

Mais qui donc pourrait s’offusquer de ce décrochage ? Dans une nation où la grande muette reste cette gouvernance aux abonnés absents, comment espérer des résultats probants, quelles que soient les initiatives ?

La corruption et les détournements éhontés de ressources publiques rongent en effet les fondations de toute renaissance possible. Des fonds budgétaires aspirés bien avant d’atteindre leurs destinations, tandis que l’opacité administrative la plus totale prospère sous la tutelle de la Capitale.

Rebâtir une crédibilité institutionnelle semble dès lors un prérequis indispensable pour Madagascar. Combien d’efforts resteront vains et de réformes avortées, tant que ce chancre ne sera pas extirpé ? Un défi de longue haleine qui requiert de nombreux moyens et volontés pour être relevé. Mais surtout, le rétablissement d’un État de droit fiable et intègre, garant d’une saine gestion des affaires publiques.

 

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Perspectives d’avenir : Quels axes de développement ?

Réduction de la pauvreté

Mais au-delà des éventuels relais de croissance à cultiver, l’enjeu primordial reste bien celui d’une lutte enfin résolue contre la grande pauvreté. Un défi gargantuesque, qui appelle des réponses à la hauteur des attentes de millions de Malgaches exsangues.

Les stratégies à déployer se doivent d’embrasser une vision transversale et inclusive, pour diffuser largement les bénéfices du progrès jusqu’au dernier villageois. Leur pierre angulaire ? Ériger en priorités absolues l’accès libre et massif aux services essentiels d’éducation et de santé pour tous.

Et ce dans une optique non plus de simples vitrines, mais d’un véritable maillage territorial qui mette enfin un terme aux inégalités criantes. Aux côtés de ce chantier sociétal majeur, l’objectif restera la création d’emplois stables et décents en nombre, par le truchement d’aides coordonnées aux entrepreneurs. Permettre à chacun de vivre dignement de son travail, plutôt que de le rogner par l’oisiveté forcée.

 

Rôle de la communauté internationale

Un programme de réformes de cette ampleur ne pourra toutefois s’appuyer sur les seules forces nationales, déjà exsangues après des décennies d’immobilisme. Le soutien de la communauté internationale apparaît plus que jamais indispensable.

Institutions financières, ONG, organisations onusiennes… Autant de partenaires incontournables dont Madagascar devra impérativement canaliser l’assistance technique et logistique pour espérer tenir la barre. Qu’il s’agisse de mobiliser les capitaux substantiels nécessaires au développement ou d’assurer des transferts d’expertise et de bonnes pratiques, la coopération devra être de mise.

Mais gare aux écueils passés ! Ce concours international devra cette fois s’exercer dans la plus grande transparence et responsabilité. Exit les détournements de fonds et gabegies en tous genres qui ont trop souvent égaré l’aide extérieure. Une gouvernance rigoureuse, redevable de ses actes et de son utilisation des moyens, apparaît comme le prérequis indispensable pour rebâtir la confiance.

À cette seule condition, la Grande Île pourra espérer remobiliser ses soutiens internationaux sur la voie d’un développement véritable, dont les bénéfices se diffuseront jusqu’au dernier de ses citoyens. Un processus de longue haleine certes, mais désormais vital pour enrayer la spirale d’appauvrissement généralisé !

 

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Madagascar à la croisée des chemins : Leurres du béton ou véritable décollage ?

À l’heure des bilans, difficile d’être dupes plus longtemps. Derrière les envolées lyriques des réalisations en béton armé, difficile de nier l’amère réalité d’un pays aux abois. Que pèsent quelques infrastructures d’apparat face à l’immense défi de l’extrême pauvreté généralisée ?

Les tonnes de ciment ne sauraient masquer durablement les vérités crues : l’écrasante majorité des Malgaches demeure exclue des prétendues avancées par manque d’accès aux services essentiels. Écoles et hôpitaux dignes restent un luxe étranger à leurs lendemains.

Voilà le brasier qui couve sous les discours enchanteurs. Celui d’une colère qui pourrait bien finir par embraser la Nation toute entière si les inégalités ne sont pas résolument enrayées. Car au-delà des dissimulations statistiques, c’est une véritable bombe sociale à retardement qui menace.

L’heure est donc venue pour Madagascar de prendre un véritable tournant. Celui d’une croissance vertueuse et équitablement répartie, qui redonnerait à chacun sa dignité par l’émancipation du labeur. Des réformes hardies de fond, au-delà des effets d’annonce stériles, pour panser les plaies béantes de la précarité.

Un chantier gargantuesque qui requerra toutes les bonnes volontés nationales, mais aussi l’assistance critique de partenaires extérieurs responsabilisés. Une lourde tâche, certes, mais combien vitale pour ne point abandonner des millions de citoyens dans l’abîme du désespoir !

Le choix est donc celui de la sincérité. Parier sur le mirage du façadisme ou embrasser résolument la voie – étroite, mais salvatrice – d’un réel progrès inclusif. Un tournant risqué, mais d’où pourrait bien jaillir, enfin, une ère nouvelle de prospérité partagée pour la Grande Île !

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