Les îles Éparses, joyaux éparpillés dans l’océan Indien, sont au cœur d’un bras de fer diplomatique qui dure depuis des lustres entre la France et Madagascar. Ce conflit, qui a tout d’un mauvais remake de la décolonisation, cristallise les tensions post-coloniales entre l’ancienne puissance tutélaire et la Grande Île. Un dossier épineux où se mêlent fierté nationale, appétits économiques et vieux réflexes de domination.

Les îles Éparses, ces confettis de l’empire colonial français dont personne n’avait entendu parler avant que le ton ne monte entre Paris et Antananarivo. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé pour les Malgaches de récupérer ces territoires qu’ils considèrent comme les leurs depuis belle lurette. Mais la France fait la sourde oreille, campant sur ses positions avec une obstination qui en dit long sur l’état d’esprit post-colonial qui règne encore dans les hautes sphères de la République. Un vrai dialogue de sourds qui pourrit les relations entre les deux pays depuis des décennies.

 

Les îles Eparses : Historique du contentieux

Flashback : nous sommes en 1960, Madagascar accède enfin à l‘indépendance après des décennies de domination française. Tout le monde ou presque se réjouit, mais c’était sans compter sur un « détail » qui va vite devenir un grain de sable dans les rouages de la décolonisation. En effet, au moment de plier bagage, la France « oublie » de restituer à Madagascar les fameuses îles Éparses, ces quelques atolls perdus dans l’océan Indien. Un oubli qui n’en est pas vraiment un, car Paris compte bien garder la mainmise sur ces territoires stratégiques.

Depuis les années 70, Madagascar n’a cessé de réclamer la restitution des îles Éparses, rappelant à la France ses engagements au moment de l’indépendance. En 1979, l’ONU a même adopté une résolution enjoignant à la France de rendre ces îles. Mais rien n’y fait, Paris fait la sourde oreille. S’ensuivent des décennies de négociations stériles, où chaque partie campe sur ses positions. Un dialogue de sourds en bonne et due forme.

 

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Une position française inflexible et néo-coloniale concernant les îles Eparses

Mais pourquoi tant d’obstination de la part de la France ? Pourquoi s’arc-bouter de la sorte sur quelques îlots perdus au milieu de nulle part ? La réponse tient en deux mots : stratégie et économie. D’un point de vue géostratégique, le contrôle des îles Éparses offre à la France une présence de choix dans une région clé, à proximité du canal du Mozambique par où transite une bonne partie du trafic maritime mondial.

Mais ce n’est pas tout. On murmure que le sous-sol de ces îles recèlerait d’importants gisements d’hydrocarbures. De quoi aiguiser les appétits des compagnies pétrolières. Et tant pis si cela doit se faire au détriment des intérêts et de la souveraineté de Madagascar. Une attitude qui fleure bon le néo-colonialisme et qui bafoue allègrement le droit international.

On est en droit de se demander jusqu’à quand cette farce va durer. Jusqu’à quand la France va-t-elle s’accrocher à ces reliques de son passé colonial comme à un radeau de la Méduse ? Il est temps que Paris se réveille et accepte enfin d’entamer un vrai dialogue avec Madagascar sur la question des îles Éparses. Un dialogue d’égal à égal, loin des vieux réflexes paternalistes et des arrière-pensées économiques. C’est une question de dignité et de respect. Et c’est à ce prix seulement que les relations franco-malgaches pourront enfin s’apaiser et se tourner vers l’avenir. Il est plus que temps d’enterrer les vieux démons néo-coloniaux et de construire un partenariat véritablement gagnant-gagnant. A bon entendeur…

 

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L’incapacité des dirigeants malgaches à faire avancer le dossier des îles Eparses

Côté malgache, on n’est pas en reste niveau tergiversations et langue de bois. Depuis des années, les dirigeants successifs promettent monts et merveilles sur la question des îles Éparses. Des discours enflammés, des promesses tonitruantes de récupérer coûte que coûte ces territoires spoliés… Mais au final, que des paroles en l’air ! Quand il s’agit de passer à l’action et de mettre réellement la pression sur la France, c’est la politique de l’autruche qui prévaut.

Il faut dire que les autorités malgaches ne se sont jamais vraiment donné les moyens de leurs ambitions sur ce dossier. Incapables de mobiliser une réelle pression internationale, elles se contentent de déclarations de principe sans lendemain. Résultat, Madagascar se retrouve bien seul sur ce dossier, sans réel soutien des instances internationales ou des autres pays de la région. Un comble quand on sait que la cause est pourtant éminemment juste et légitime.

Au final, on ne peut s’empêcher de penser que les dirigeants malgaches ne mouillent pas vraiment la chemise sur cette question des îles Éparses. Comme s’ils avaient d’autres chats à fouetter, d’autres priorités que la défense des intérêts nationaux. Un constat amer pour le peuple malgache qui, lui, n’a jamais cessé de réclamer la restitution de ces îles qu’il considère comme partie intégrante de son patrimoine.

 

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Une commission mixte franco-malgache au point mort

En 2019, la création d’une commission mixte franco-malgache sur les îles Éparses avait pourtant suscité quelques espoirs. Enfin un cadre officiel pour avancer sur ce dossier empoisonné ! Las, après une première réunion en grande pompe, plus rien. Silence radio des deux côtés, discussions au point mort, et renvoi aux calendes grecques de toute avancée concrète. Comme un terrible air de déjà-vu…

Pourtant, cette fameuse commission avait été présentée comme la panacée, la clé magique qui allait enfin dénouer cet imbroglio post-colonial. Hélas, sous les dehors policés et les sourires de façade, on retrouve les mêmes tergiversations, les mêmes manœuvres dilatoires qui plombent le dossier depuis des lustres. Un dialogue de dupes sans réel enjeu ni réelle volonté politique d’aboutir.

Pire, cette commission semble même servir d’alibi aux deux parties pour enterrer le dossier sous une tonne de procédures et de palabres stériles. Une façon de gagner du temps, de noyer le poisson, et de renvoyer aux calendes grecques toute perspective d’une véritable restitution des îles Éparses à Madagascar. Une tartufferie diplomatique qui ne trompe plus personne.

 

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Comparaison avec d’autres cas similaires

Pourtant, d’autres exemples montrent que des évolutions sont possibles sur ces questions de souveraineté post-coloniale. On pense notamment à la rétrocession de l’archipel des Chagos par le Royaume-Uni à l’île Maurice. Un dossier similaire à bien des égards à celui des îles Éparses, et qui a pourtant fini par trouver une issue favorable grâce à la pugnacité des autorités mauriciennes et à la pression de la communauté internationale.

Alors pourquoi pas pour les îles Éparses ? Pourquoi ce qui a été possible pour Maurice ne le serait pas pour Madagascar ? Tout est affaire de volonté politique et de rapport de force. Si les autorités malgaches se décidaient enfin à monter au créneau, à mobiliser l’opinion nationale et internationale autour de cette cause légitime, nul doute que les lignes pourraient bouger.

Encore faut-il que cette question devienne une véritable priorité nationale, portée par une mobilisation citoyenne d’ampleur. C’est à ce prix seulement que Madagascar pourra faire entendre sa voix et arracher à la France la restitution de ses îles Éparses. Un combat pour la souveraineté et la dignité qui mérite d’être mené avec détermination. Et tant pis pour les arrière-pensées néo-coloniales d’une France arc-boutée sur son pré carré. Il est plus que temps de tourner la page.

 

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Les îles Éparses, ce miroir des hypocrisies néo-coloniales

Au final, ce dossier des îles Éparses est un véritable concentré des impasses et des hypocrisies qui gangrènent encore les relations entre la France et ses anciennes colonies. Un héritage empoisonné qui continue de plomber toute perspective d’un partenariat véritablement décomplexé et d’égal à égal. Car au-delà des enjeux de souveraineté et de ressources naturelles, c’est bien la question de la décolonisation des esprits qui est posée.

Tant que la France n’aura pas fait son examen de conscience sur son passé colonial et les réflexes de domination qui en découlent, tant que les dirigeants malgaches n’auront pas le courage de porter haut et fort les aspirations légitimes de leur peuple à la pleine souveraineté, ce dossier restera dans l’impasse. Un statut quo intenable qui hypothèque l’avenir et nourrit les rancœurs.

Pourtant, les exemples ne manquent pas de décolonisations réussies, de rétrocessions négociées dans le respect mutuel. Il est temps que la France et Madagascar s’en inspirent pour écrire une nouvelle page de leur histoire commune. Cela passe par une véritable négociation, sincère et équilibrée, loin des faux-semblants et des calculs à court terme. Une négociation qui place l’intérêt des peuples et le respect du droit international au cœur des discussions.

Et la priorité absolue de cette négociation doit être la restitution pure et simple des îles Éparses à Madagascar. Un acte fondateur, hautement symbolique, qui permettrait de tourner définitivement la page du néo-colonialisme et d’ouvrir un nouveau chapitre des relations franco-malgaches. Un acte de justice et de fraternité aussi, qui reconnaîtrait enfin la pleine souveraineté et la dignité du peuple malgache.

  • Ce combat pour la restitution des îles Éparses n’est pas une lubie.
  • Ce n’est pas une posture idéologique.
  • C’est un impératif politique et moral pour quiconque se réclame des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.

Alors, il est temps d’agir, de mobiliser, de négocier. Il est temps de faire triompher le droit et la justice sur les vieux démons de la Françafrique. Madagascar a trop attendu sa pleine souveraineté sur les îles Éparses. Son peuple a trop souffert de voir ses dirigeants baisser pavillon devant les manœuvres dilatoires de la France. Il est temps de siffler la fin de la récré néo-coloniale. Pour une décolonisation enfin achevée. Pour une émancipation pleine et entière de Madagascar. Pour le respect et la dignité. Tout simplement.

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