À l’ombre des splendides paysages naturels de Madagascar se cache un paradoxe saisissant. Malgré d’immenses richesses culturelles et environnementales, la Grande Île reste l’un des pays les plus pauvres au monde. Un contraste frappant, dont les racines semblent profondément ancrées dans la mentalité même du peuple malgache, ce toe-tsaina gasy forgée au fil des siècles. Mais que recouvre réellement ce concept énigmatique ? Cet article a pour ambition d’explorer ses multiples facettes, au-delà des idées reçues, et d’analyser son impact durable sur le développement national.
Le « mora mora » : une vie sans soucis
Qui n’a jamais envié la douceur de vivre malgache, ce rythme serein du « mora mora » ? Cette philosophie ancrée dans la culture insulaire prône une approche tranquille de l’existence, sans se soucier de l’impatience moderne. Une invitation à savourer chaque instant, plutôt que de se laisser emporter par le tourbillon effréné de notre époque.
Toutefois, ce doux laisser-aller comporte un revers de la médaille bien moins réjouissant. En absolutisant ce refus de la précipitation, la mentalité malgache ne bride-t-elle pas aussi les espoirs de progrès économique et social ? Combien d’initiatives entrepreneuriales ou de projets collectifs ont été freinés par cet attentisme ambiant ? Une résignation qui plonge ses racines dans les traumatismes d’un passé bouleversé, mais devient aujourd’hui un lourd handicap à surmonter.
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La jalousie et l’entrave au succès des autres
Aux côtés de cette aversion pour la hâte se niche une autre ombre au tableau du toe-tsaina gasy : le fialonana, cette jalousie tenace qui ronge tant de Malgaches. Un désir de voir autrui réussir, certes, mais seulement jusqu’à un certain point… Dès que le succès d’un proche, ami ou voisin commence à trop briller, c’est la dénigration, les rumeurs acrimonieuses qui reprennent le dessus.
Que dire de ces entrepreneurs audacieux obligés de dissimuler leurs ambitions par peur des regards envieux ? Ou de ces collaborations avortées, minées par la méfiance généralisée ? Oui, le fialonana représente un frein majeur à l’esprit d’entreprise et d’entraide pourtant si nécessaire au décollage économique de Madagascar. Transcender ces réflexes malsains relève désormais d’un défi vital pour briser le cycle de la pauvreté.
La responsabilité et la dépendance
À l’ombre des splendeurs naturelles de Madagascar se terre une autre facette plus ténébreuse de la mentalité malgache : ce tropisme indolent vers l’assistanat et le refus des responsabilités. Combien sont ainsi restés prostrés dans l’attente d’une aide providentielle, d’un deus ex machina venant résoudre leurs difficultés ? Une posture de la facilité, ancrée dans la méfiance séculaire envers les institutions.
Prenons l’exemple de ces innombrables initiatives citoyennes ou entrepreneuriales étouffées dans l’œuf, faute de la moindre autonomie. Des rêves tués avant même d’éclore par ce manque de confiance en soi endémique. Un lourd fardeau qui entrave le développement de la Grande Île en sapant toute velléité d’émancipation individuelle ou collective. Oser se saisir des rênes de son destin, telle pourrait être la clé pour transcender cette inertie délétère.
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Les défis de l’éducation et de l’éthique
Mais pour amorcer ce changement de mentalité, encore faut-il poser les bonnes bases dès le plus jeune âge. Un défi de taille quand on constate le déplorable état de l’éducation à Madagascar : des écoles en manque criant de moyens, une formation des maîtres lacunaire, un taux d’abandon scolaire préoccupant… Autant de plaies béantes qui sapent l’instruction de la jeunesse insulaire.
Pis encore, un grave déficit d’éducation civique et morale entretient un désastreux mépris pour l’État de droit. Combien d’enfants grandissent ainsi sans intégrer les notions élémentaires de civisme et d’éthique citoyenne ? Une carence dommageable qui ne fait que nourrir un futur vivier de délinquants en puissance. Réformer en profondeur pour transmettre un héritage de valeurs vertueuses semble désormais vital.
L’espoir d’un changement de mentalité malgache
Certes, la tâche pour transformer en profondeur le toe-tsaina gasy semble titanesque. Mais n’est-ce pas là le principal défi que doit relever le peuple malgache pour briser définitivement le cycle de la pauvreté ? En pariant sur l’avènement de générations nouvelles, porteuses d’une éthique du travail et de la responsabilité individuelle.
Un changement de paradigme radical qui devra passer par une prise de conscience collective et une profonde réforme des mentalités. Un défi que la Grande Île se doit de relever, au péril de son développement. Ses extraordinaires richesses naturelles et humaines valent bien cet enjeu !