Quand Madagagazo inspire l’Amérique dans l’art de malmener la démocratie. Le blog sur Madagascar s’enrichit aujourd’hui d’une analyse comparative qui aurait semblé improbable il y a quelques années. Pourtant, à l’heure où la démocratie américaine tangue dangereusement, les similitudes entre les deux côtés de l’Atlantique deviennent troublantes. Qui l’eût cru ? L’Agent Orange, ce spécimen si particulier de la faune politique américaine, semble avoir trouvé son alter ego tropical en la personne de Fy Loha, grand manitou de Madagagazo.
Le grand cirque politique ouvre ses portes
Sous le chapiteau de la démocratie malmenée, le spectacle promet d’être grandiose.
D’un côté de la piste, l’Agent Orange, ce personnage haut en couleur dont la teinte capillaire défie les lois de la nature, multiplie les cabrioles constitutionnelles avec la grâce d’un éléphant dans un magasin de porcelaine.
De l’autre, Fy Loha, dont les acrobaties politiques feraient pâlir le plus agile des lémuriens, jongle avec les principes démocratiques comme un artiste de rue avec des quilles en flammes. Le show démocratique prend des allures de cirque Barnum, où chaque déclaration devient un numéro de clown, chaque promesse un tour de magie, et chaque décision une performance d’équilibriste.
Les deux maestros excellent particulièrement dans le dressage de leurs partisans, capable de faire applaudir les plus grossières entorses à la logique comme s’il s’agissait de prouesses extraordinaires. Le public, médusé, assiste à ce festival du grotesque politique où la réalité se confond avec la fiction, où le sublime côtoie le ridicule, et où la démocratie se transforme en spectacle de music-hall permanent.
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Le festival des promesses en l’air
La scène politique se transforme en véritable foire aux mirages sous la houlette de nos deux illusionnistes en chef.
L’Agent Orange, tel un bonimenteur de fête foraine, promet des murs « magnifiques » payés par les voisins, des victoires « historiques » et des grandeurs « jamais vues ».
Son homologue de Madagagazo n’est pas en reste : Fy Loha fait miroiter la fin du délestage, de la pénurie d’eau, l’augmentation du pouvoir d’achat, des flyovers et des autoroutes traversant des régions où même les zébus hésitent à s’aventurer.
Ces marchands de rêves professionnels ont élevé la promesse irréalisable au rang d’art majeur. Leur crédo ? Pourquoi faire simple quand on peut faire mirobolant ? Pourquoi promettre l’accessible quand l’impossible fait davantage rêver ? Les études de faisabilité ? Une invention de bureaucrates rabat-joie. Le réalisme budgétaire ? Une contrainte pour les petits joueurs. Entre les gratte-ciels de Miami transplantés à Toamasina et le retour miraculeux des emplois industriels américains, la surenchère du farfelu n’a plus de limites. Le plus fascinant reste peut-être la capacité de leurs supporters à gober ces couleuvres grosses comme des boas, avec l’enthousiasme de gourmets devant un festin gastronomique.
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La justice à géométrie variable
Dans l’arène judiciaire, nos deux champions excellent dans l’art délicat de la contorsion légale.
L’Agent Orange, collectionneur assidu d’inculpations comme d’autres collectionnent les timbres-poste, transforme chaque mise en accusation en preuve d’une conspiration mondiale contre sa personne. Son cabinet d’avocats, plus nombreux que les grains de riz dans un vary sosoa, jongle avec les procédures comme un prestidigitateur avec ses cartes.
De son côté, Fy Loha a élevé l’art de l’esquive judiciaire au rang de discipline olympique. À Madagagazo, les dossiers judiciaires ont la fâcheuse tendance à disparaître plus vite qu’un plat de ravitoto dans un restaurant populaire. Les juges deviennent soudainement myopes quand il s’agit d’examiner certains cas, tandis que leur vision devient miraculeusement aigüe pour traquer les opposants.
La justice, cette noble dame aux yeux bandés, semble avoir troqué sa balance traditionnelle contre une balance truquée, où le poids des puissants devient étrangement plume, et celui des opposants, mystérieusement plomb.
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Les maîtres de l’illusion démocratique
Le véritable tour de force de nos deux prestidigitateurs politiques réside dans leur capacité à transformer l’eau en vin et les défaites en victoires.
Quand l’Agent Orange perd une élection, ce n’est jamais une défaite : c’est invariablement le plus grand vol de l’histoire de l’humanité, une conspiration si vaste qu’elle ferait passer le complot des Illuminati pour une réunion de copropriété.
Du côté de Madagagazo, Fy Loha n’est pas en reste : chaque contestation devient une machination des forces obscures de l’ancien régime, chaque critique une tentative de déstabilisation.
Leur réalité alternative est si bien construite qu’elle ferait pâlir les scénaristes d’Hollywood. Les chiffres ? Manipulables à souhait. Les faits ? Une simple question d’interprétation. La vérité ? Un concept flexible qui se plie aux exigences du moment. Dans ce monde parallèle soigneusement élaboré, les sondages défavorables deviennent des fake news, les manifestants d’opposition se transforment en acteurs payés, et les journalistes critiques en ennemis du peuple.
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Le théâtre des institutions
Les institutions démocratiques sont devenues leur scène de prédilection, un théâtre où se joue quotidiennement la grande tragédie de la démocratie.
L’Agent Orange manie la constitution comme un metteur en scène capricieux réécrivant le script à sa guise : un amendement par ci, une interprétation créative par-là, et voilà le texte sacré transformé en synopsis de reality-show.
De l’autre côté de l’océan, Fy Loha fait des institutions de son pays son terrain de jeu favori. Les lois deviennent des suggestions, la séparation des pouvoirs un concept théorique aussi abstrait que la physique quantique. Le Parlement ? Une chambre d’enregistrement où les députés applaudissent avec l’enthousiasme mécanique des phoques de cirque. La plus haute juridiction du pays ? Un simple accessoire de mise en scène, comme ces faux téléphones sur les plateaux de théâtre.
Dans ce grand spectacle, les contre-pouvoirs sont réduits au rôle de figurants, pendant que l’exécutif se taille la part du lion dans un one-man-show permanent.
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Les claqueurs professionnels
La vraie force de nos deux virtuoses du chaos démocratique réside dans leurs bases de supporters, véritables claqueurs professionnels d’une pièce qui se joue à guichets fermés. Ces fans inconditionnels forment une armée de téléspectateurs fidèles, capables d’applaudir avec le même enthousiasme une déclaration sur la forme plate de la Terre ou l’existence de licornes.
Qu’importe si l’Agent Orange déclare que la pluie tombe vers le haut ou si Fy Loha affirme avoir inventé le vaccin contre la bêtise : leurs mpisolelaka de supporters hochent la tête avec la conviction des convertis. La pensée critique a été soigneusement rangée au placard, quelque part entre les principes démocratiques et le bon sens, remplacée par une foi aveugle qui ferait passer les plus ardents des croyants pour des sceptiques endurcis. Ces « claqueurs » modernes sont équipés des dernières technologies : smartphones pour relayer les théories du complot les plus farfelues, comptes Twitter (X) et Facebook pour harceler les opposants, et un détecteur de fake news calibré à l’envers, qui s’allume uniquement face aux informations véridiques.
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L’héritage d’une démocratie en lambeaux
Le plus inquiétant dans ce spectacle reste peut-être sa capacité à faire école. La madagagazouisation de la politique américaine n’est que le symptôme d’une tendance plus large : la transformation de la démocratie en reality-show permanent, où le buzz l’emporte sur le fond, où la force prime le droit, et où la vérité devient une opinion comme une autre.
Cette nouvelle école de gouvernance, qu’on pourrait baptiser « l’École du Chaos Démocratique », fait des émules aux quatre coins du monde. Les apprentis sorciers du populisme regardent avec envie ces deux maîtres à penser qui ont réussi à transformer des démocraties en cirques politiques permanents.
En attendant le prochain épisode de ce feuilleton politico-tragi-comique, une chose est sûre : la démocratie méritait mieux que ces apprentis sorciers du chaos institutionnel.