Madagascar a accueilli, le 3 septembre, le vol inaugural de la compagnie aérienne Emirates. Une nouvelle connexion qui, sur le papier, offre des perspectives prometteuses pour le pays, notamment en matière de tourisme et de commerce. Mais derrière l’euphorie officielle, des questions demeurent sur la réelle capacité de Madagascar à tirer parti de cette opportunité. L’analyse des réactions face à cette ouverture souligne un contraste entre optimisme et scepticisme.

 

Une opportunité pour l’économie et le tourisme malgache

L’arrivée d’Emirates à Madagascar représente un potentiel certain pour le développement économique et touristique du pays. En reliant directement la Grande Île au hub de Dubaï, cette nouvelle ligne ouvre la porte à plus de 130 destinations internationales. Pour les voyageurs malgaches et étrangers, cela signifie un accès facilité à une multitude de destinations à travers le monde. En outre, la concurrence entre compagnies aériennes pourrait s’intensifier, avec l’espoir de voir les prix des billets baisser, une aubaine pour un pays longtemps considéré comme une destination coûteuse.

La connectivité accrue avec le Moyen-Orient et d’autres destinations pourrait stimuler le secteur touristique, qui peine depuis des années à retrouver un dynamisme similaire à celui de ses voisins, tels que Maurice ou l’Afrique du Sud. Le tourisme étant l’un des piliers potentiels de l’économie malgache, cette nouvelle liaison pourrait, en théorie, relancer l’intérêt des voyageurs pour Madagascar. Cependant, il ne suffit pas de créer des vols pour attirer les touristes. Encore faut-il que les infrastructures et les services soient à la hauteur des attentes internationales.

 

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Des défis structurels à surmonter

Malgré cet enthousiasme, Madagascar reste confronté à d’importants défis structurels qui limitent son attrait en tant que destination touristique. Le manque d’infrastructures hôtelières de qualité, l’accessibilité difficile des sites touristiques, et les carences en termes de sécurité et de services publics, comme l’accès à l’eau potable ou à l’électricité, freinent le développement du secteur. Ces obstacles sont souvent soulignés par les observateurs critiques, qui estiment que l’ouverture de nouvelles liaisons aériennes ne résoudra pas à elle seule les problèmes systémiques auxquels le pays fait face.

La comparaison avec l’île Maurice est souvent faite. Cette dernière a su attirer 1,3 million de touristes en 2023 grâce à un système touristique parfaitement rodé, tandis que Madagascar peine à dépasser les 260 000 visiteurs. Avec des infrastructures modernes, des routes bien entretenues, et des services adaptés aux attentes des voyageurs internationaux, Maurice s’est positionnée comme une destination incontournable. Madagascar, quant à elle, doit encore surmonter de nombreux défis pour rivaliser avec ses voisins, et la seule arrivée d’Emirates ne suffira pas à transformer l’image touristique du pays.

Le nouveau ministre du Tourisme, Viviane Dewa, a exprimé l’ambition d’atteindre un million de touristes d’ici 2028. Toutefois, sans investissements massifs dans les infrastructures et sans une refonte complète du système touristique, cet objectif paraît difficilement atteignable. Il ne suffit pas de proposer des vols directs pour séduire les voyageurs. La qualité des services, la sécurité et la facilité de déplacement sont autant d’éléments essentiels que Madagascar doit améliorer pour maximiser les bénéfices de cette nouvelle liaison.

 

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Entre opportunité et risques : les zones d’ombre de la nouvelle liaison

Si l’ouverture de cette ligne Emirates est saluée par certains, d’autres y voient des risques sous-jacents. Le commerce de l’or, en particulier, fait partie des préoccupations majeures. Les statistiques montrent une augmentation exponentielle des quantités d’or déclarées à Dubaï par rapport à celles exportées officiellement de Madagascar. Cette nouvelle connexion pourrait ainsi faciliter le trafic d’or, en raccourcissant les circuits et en réduisant les risques de saisie ou de blocage. Des affaires passées, comme celle des 73,5 kilos d’or interceptés en Afrique du Sud en 2021, témoignent de l’importance de ce trafic et de l’implication de certaines sociétés basées à Dubaï.

Par ailleurs, la présence récurrente des fils du Khalife lors de visites officielles à Dubaï ou encore lors de l’accueil du vol inaugural suscite des interrogations. La transparence sur les dépenses publiques, notamment concernant les voyages de la famille présidentielle, est un point sensible qui alimente les suspicions autour des relations entre Madagascar et Dubaï. L’histoire récente du pays n’est pas exempte d’exemples de dirigeants ayant utilisé leurs fonctions pour servir des intérêts privés. La crainte que cette nouvelle ligne puisse également bénéficier à des réseaux d’influence personnels n’est donc pas infondée.

La vigilance reste donc de mise pour que cette opportunité ne se transforme pas en un terrain propice à des activités illicites. L’espoir d’un développement touristique et économique durable ne pourra se concrétiser qu’en renforçant les mécanismes de contrôle et en assurant une transparence totale dans les relations économiques et commerciales.

 

Un symbole de modernité ou une opportunité à saisir avec prudence ?

L’arrivée d’Emirates à Madagascar marque un tournant dans les ambitions du pays en matière de connectivité internationale. Cette ouverture vers le monde présente des promesses réelles pour le développement touristique et économique de la Grande Île. Toutefois, les défis structurels et les risques liés aux activités illicites imposent une vigilance accrue. Madagascar doit impérativement réformer ses infrastructures et améliorer la qualité de ses services pour que cette opportunité ne soit pas gaspillée.

Ainsi, si cette nouvelle ligne aérienne est un symbole de modernité, elle n’est pas une solution miracle. Pour transformer cette connexion en véritable levier de croissance, il faudra bien plus qu’une simple ouverture de vols : un engagement sincère et des réformes profondes seront nécessaires pour garantir que Madagascar puisse tirer pleinement parti de cette opportunité.

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