Qui l’eut cru ? A Madagascar, une véritable déferlante de frustrations et d’aigreurs semble envahir le monde virtuel. Dans les méandres des réseaux sociaux malgaches, et tout particulièrement Facebook, les langues se délient et les ressentiments les plus enfouis font surface. Loin des échanges légendairement courtois, l’écho des déchainements verbaux résonne à tous vents. Un phénomène de société à part entière, qui laisse bon nombre d’observateurs abasourdis face à cette soudaine flamme de rancœurs attisée par le monde numérique.

 

Les causes de l’aigreur et de la frustration à Madagascar

Bien sûr, ce brusque exutoire cache des racines bien plus profondes que la simple émergence des réseaux. Au pays de la douceur légendaire, c’est un fardeau séculaire qui semble aujourd’hui peser de tout son poids sur les épaules du peuple malgache : la précarité. Entre un coût de la vie qui n’en finit plus d’enfler et des salaires faméliques, la grogne pourrait presque sembler légitime. Ajoutez à cela les spectres de la faim toujours menaçante et d’une pauvreté généralisée, et l’on saisit mieux les ressorts de ce malaise bien malgache.

Mais l’amertume la plus tenace demeure sans doute celle de ces Malgaches déçus par leur incapacité à subvenir aux besoins essentiels. Trouver un toit décent, se vêtir, se nourrir convenablement : autant de frustrations quotidiennes que plus personne ne saurait étouffer bien longtemps. Alors, quand s’ajoute la rancœur des drames conjugaux que même une société traditionnelle ne peut plus contenir, toute cette lave en ébullition finit par déborder avec fracas dans l’arène virtuelle !

 

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L’anonymat sur Facebook : une soupape de sécurité sociale

Et c’est bien là que Facebook entre en jeu, comme un puissant catalyseur de ces frustrations enfouies. Délesté de toutes ces convenances sociales qui bâillonnaient les excès, l’internaute s’y sent en effet soudain libre d’exprimer ses rancunes les plus brûlantes. L’anonymat de l’écran fait office de soupape de décompression, un lâcher-prise insoupçonné.

Alors les insultes les plus crues fusent, les provocations se multiplient tandis que les menaces se banalisent. Les engueulades les plus viriles s’enchaînent, à coup de punchlines ravageuses dignes des prétoires d’antan. Rien n’est plus sacré dans ce défoulement général, où le respect de l’autre vole en éclats.

Publicités tapageuses pour des produits amincissants au prix exorbitant, critiques acrimonieuses contre les influenceuses à la mode qui sexualisent leurs contenus, piques acerbes sur l’intimité dévoilée d’une célébrité locale : bienvenue sur les champs de bataille numériques de la Grande Île ! Un exutoire choquant, mais comme une inévitable soupape décompressant le trop plein de ressentiments accumulés.

 

L’effet de la comparaison sociale sur les réseaux

Mais ce n’est pas tout. À ce brasier des frustrations vient aussi se greffer l’insidieux poison de la comparaison sociale exacerbée par les réseaux. Car dans cette arène numérique où tout un chacun étale sa vie en stéréo, il devient vite difficile de ne pas jalouser son voisin virtuel.

La nouvelle voiture de luxe du voisin qui claque au soleil, la villa avec piscine de l’influenceuse locale, la cousine qui part en voyage organisé : autant de piqûres de rappel cuisantes pour ces Malgaches démunis. Alors quand s’ajoutent les étalages ostentatoires de richesses diverses, des smartphones derniers cris aux restos branchés, la rage ne fait qu’enfler. Une véritable course à l’échalote où seuls les plus avertis sauront différencier le vrai du faux !

Fatalement, ce jeu des apparences finit par attiser un ressentiment bien réel chez ceux qui peinent à joindre les deux bouts. Les réseaux se muent alors en catalyseurs de jalousies destructrices plutôt qu’en vecteurs d’émulation positive.

 

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Des solutions pour atténuer l’aigreur et la frustration

Face à cette dérive des défouloirs numériques, une prise de conscience collective semble désormais indispensable. Et quel meilleur levier que de recentrer ces espaces sur ce qui fait la plus noble vocation des réseaux sociaux : le partage et l’entraide ?

Pourquoi ne pas voir émerger en ligne ces lieux d’écoute et de soutien psychologique à même d’apaiser ces bouillons d’aigreurs et de rancœurs ? Des espaces de parole, mais aussi des initiatives fédératrices autour d’activités positives et constructives, loin des diktats toxiques de la réussite à tout prix.

Il serait aussi temps que les influenceurs les plus suivis se mobilisent. En sensibilisant leur audience à l’impact potentiellement déstabilisateur de leurs publications, en encourageant une remise en perspective salvatrice. Car ce n’est qu’en pratiquant la bienveillance et l’empathie que ces pitres, clowns et modèles de charme leaders d’opinion retrouveront leur juste rôle : celui d’inspirateurs, et non plus de boucs émissaires des jalousies ambiantes.

 

Relions les liens, et non les haines !

Au final, c’est bien un défi de renaissance qui se présente aux utilisateurs malgaches des réseaux sociaux. Celui de ne plus voir en ces plateformes un simple exutoire à toutes les rancœurs et frustrations, mais bien le terreau d’un renouveau de la solidarité.

Aux aigreurs et ressentiments déversés dans l’arène numérique devront se substituer les élans de fraternité et de compréhension mutuelle. Aux réseaux aujourd’hui facteurs de division devront succéder ces espaces de partage d’où renaîtra cette bienveillance légendaire du peuple malgache.

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