À Antananarivo, la capitale malgache aux embouteillages légendaires, un projet de téléphérique suscite à la fois l’espoir et la controverse. Porté par les autorités comme la solution idoine pour fluidifier les déplacements dans cette mégalopole tentaculaire, le futur téléphérique fait déjà grincer bien des dents. Certains y voient un investissement pharaonique inadapté aux réalités d’un pays parmi les plus pauvres au monde. D’autres saluent une avancée nécessaire vers la modernité. État des lieux de ce chantier hors-norme et débat passionné autour du téléphérique d’Antananarivo.
Un projet ambitieux pour « décongestionner Antananarivo »
Face à l’essoufflement de la capitale malgache, la construction des lignes de téléphérique est annoncée comme la bouée de sauvetage tant attendue. Avec l’ambition de réduire les interminables bouchons qui paralysent le centre-ville, ce téléphérique doit permettre de relier en quelques minutes seulement les hauteurs d’Antananarivo, grâce à un réseau de cabines aériennes enjambant plusieurs collines.
Un pari de taille pour cette cité colline où les infrastructures de transports n’ont que trop tardé à s’adapter à l’explosion démographique. En soixante ans, Antananarivo est passée de 300 000 âmes à près de 3,6 millions d’habitants, rendant les déplacements éreintants pour bon nombre d’entre eux. Reste à convaincre les Tananariviens, fiers propriétaires de leur véhicule, signe extérieur de réussite, de troquer l’habitacle de leur rutilant véhicule pour une nacelle de téléphérique…
Les bénéfices économiques et environnementaux escomptés
Au-delà du gain de temps et de sérénité pour les usagers, ce téléphérique à la française promet aussi des retombées économiques et environnementales très attendues. Avec jusqu’à 2000 véhicules en moins dans les artères du centre chaque jour, les promoteurs du projet espèrent faire reculer la pollution atmosphérique, mais aussi le manque à gagner lié aux embouteillages monstres, aujourd’hui évalué à 2,5 millions d’euros par an.
Le chantier doit également créer 600 emplois pour l’entretien et l’exploitation de ce mode de transport innovant. Une aubaine dans ce pays où le chômage reste élevé. Pour les autorités, il s’agit aussi d’une formidable vitrine à l’international du savoir-faire français, avec les géants Poma et Colas aux manettes. Un argument de poids alors que la diplomatie économique compte bien profiter du téléphérique d’Antananarivo pour promouvoir l’excellence tricolore.
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Un projet critiqué pour son coût et son inadéquation
Mais le téléphérique d’Antananarivo fait aussi grincer bien des dents. À commencer par la facture salée de 152 millions d’euros, financée par des prêts français, qui fait tousser dans ce pays figurant parmi les plus pauvres du globe. « Un puits sans fond pour des deniers qui auraient pu être bien mieux utilisés !« , s’insurge un collectif d’opposants.
Les éventuels tarifs d’accès nourrissent aussi l’inquiétude. Entre 0,5 et 1 dollar l’aller simple, une somme qui peut sembler dérisoire, mais représenterait pour beaucoup de Tananariviens une dépense impossible à assumer. « Un luxe par les airs quand on survit à peine », résume crûment Solange, vendeuse de rue.
Au-delà du portefeuille, c’est le respect du patrimoine qui agite les esprits les plus chauvins. Cette modernité tout en câbles et pylônes ne dénaturerait-elle pas la Ville des Milles ? Certains n’excluent pas une profanation. Enfin, alors que le doux rêve d’une île à la pointe se heurte aux réalités d’un pays frappé par la pauvreté, la corruption, le délabrement des infrastructures essentielles comme les routes, n’y aurait-il pas d’autres priorités ?
Des défis techniques et financiers à relever
Même chez les plus enthousiastes, l’ombre de certains défis techniques plane sur le projet. Principal écueil : assurer l’alimentation en électricité d’un réseau aussi gourmand en énergie, dans une capitale où les coupures de la JIRAMA sont monnaie courante. Un cauchemar pour les ingénieurs que d’imaginer des cabines aériennes bloquées des heures durant avec leurs passagers…
Alors que les dernières nouvelles font état de retards conséquents sur le calendrier initial, avec notamment les premiers essais sans cesse repoussés, c’est aussi la question du financement sur le long terme qui se pose. Si les fonds ont été bouclés pour la construction, qu’adviendra-t-il lors de la mise en service ? Les recettes escomptées suffiront-elles à en assurer la pérennité, notamment pour l’entretien ?
Au final, seule une infime partie des Tananariviens semble en mesure de réellement bénéficier du téléphérique au quotidien. Avec des tarifs peut-être trop élevés pour la majorité écrasante des habitants, l’accessibilité réelle de ce mode de transport apporte son lot d’interrogations. De quoi ternir quelque peu le rêve futuriste d’une capitale enfin désencombrée ?
Le téléphérique d’Antananarivo à l’épreuve des réalités
Fierté pour les uns, fausse bonne idée pour les autres, le téléphérique d’Antananarivo fait déjà couler beaucoup d’encre et de salive. Mais au-delà des polémiques et des défis à relever, le temps sera seul à même de dire si ce projet XXL aura tenu toutes ses promesses de modernité. D’ici là, la capitale malgache aura fait un choix : celui d’opter pour un futur de transports aériens intégrant la smart city, ou bien rester à quai, fidèle à ses traditions séculaires. Affaire à suivre…