Les récentes élections législatives à Madagascar ont livré leur verdict : une courte majorité absolue pour le parti présidentiel. Mais derrière cette arithmétique électorale se cachent des zones d’ombre qui interrogent la sincérité même du processus démocratique. Entre décisions controversées de la Haute Cour Constitutionnelle, ballet des députés « indépendants » et soupçons de pressions en coulisses, cette victoire a un goût amer. Plongeons dans les eaux troubles de ce scrutin pour décrypter les dérives qui minent la crédibilité de la démocratie malgache.

 

Une Haute Cour Constitutionnelle aux ordres du pouvoir ?

La Haute Cour Constitutionnelle (HCC), qui devrait être l’arbitre impartial du jeu électoral, se retrouve au centre de vives controverses. Ses décisions récentes auraient fait basculer le rapport de force à l’Assemblée en faveur du parti au pouvoir. Des retournements de situation surprenants dans certaines circonscriptions, où des victoires d’indépendants se seraient transformées comme par enchantement en sièges pour la majorité présidentielle, soulèvent des interrogations légitimes. Ce coup de baguette judiciaire ne serait pas le fruit du hasard, selon certains observateurs.

Des doutes sérieux planeraient ainsi sur la neutralité électorale de cette institution clé. Des rumeurs persistantes font état de possibles pressions exercées sur les juges, de consignes qui auraient été données pour favoriser le camp présidentiel. Si elles étaient avérées, ces manipulations grossières des résultats jetteraient une ombre inquiétante sur l’intégrité de la HCC. Cette institution, qui est censée être la gardienne de l’État de droit et de la sincérité des scrutins, se retrouverait alors suspectée d’être inféodée à l’exécutif. Un pilier essentiel de la démocratie qui serait en train de vaciller dangereusement, si ces allégations devaient se confirmer.

 

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Le grand mercato des députés « indépendants » : une tradition bien rodée

Mais le jeu trouble ne s’arrête pas aux portes de la Haute Cour. Dans les travées de l’Assemblée nationale, c’est une autre danse qui se prépare : le grand mercato des députés « indépendants ». Car obtenir une majorité sur le papier ne suffit pas. Encore faut-il s’assurer de la loyauté de ses troupes. Et c’est là que les choses se corsent.

Depuis les débuts de la Troisième République, la transhumance politique post-électorale est érigée en art. Élus sous l’étiquette « indépendants », de nombreux députés s’empressent de rejoindre le camp du pouvoir, attirés par les sirènes des privilèges et des mallettes. Une valse des étiquettes qui fausse le jeu démocratique.

Les exemples ne manquent pas. En 1993, Francisque Ravony devient Premier ministre avec seulement deux députés CSDDM. En 2019, le parti HVM monte un groupe parlementaire pro-Rajoelina, alors qu’ils n’étaient que quatre élus. Et que dire des 105 députés qui votent une motion de censure contre le gouvernement Ntsay en 2022, avant de se raviser le lendemain sous la pression présidentielle ? Autant de retournements de veste motivés par l’opportunisme, la vénalité ou la peur des représailles. Une tradition bien peu glorieuse qui jette un voile de discrédit sur l’institution parlementaire.

 

Peut-on encore parler de démocratie à Madagascar ?

Face à tant de dérives, une question s’impose : reste-t-il encore une once de démocratie dans ce pays ? Difficile d’y croire quand on observe l’ampleur des maux qui gangrènent le processus électoral. Des pressions en tout genre, physiques comme financières, altèrent la sincérité des scrutins. La corruption s’invite à tous les étages, des électeurs aux élus en passant par l’administration. Les irrégularités se multiplient, sapant la confiance des citoyens.

Et au cœur de ce maelström, le rôle trouble de l’argent. Car derrière les postures, ce sont bien des intérêts politico-économiques qui tirent les ficelles. Des affaires juteuses, des marchés publics, des avantages en tout genre : autant d’enjeux qui alimentent une bataille féroce pour le contrôle des leviers du pouvoir. Une lutte sans merci où tous les coups sont permis, loin des nobles idéaux démocratiques.

Au final, c’est un simulacre de démocratie qui se joue sous nos yeux. Un théâtre d’ombres qui ne trompe plus grand monde, si ce n’est une communauté internationale bien prompte à se satisfaire d’une façade démocratique. Mais les citoyens, eux, ne sont pas dupes. Ils voient leur vote confisqué, leur voix étouffée, leurs espoirs piétinés. Un constat amer qui appelle une réaction forte.

 

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Conclusion : Un sursaut patriotique pour sauver la démocratie

Le constat est amer : la démocratie malgache n’est plus qu’une mascarade. Manipulation, corruption, pressions : les dérives gangrènent tout le système. Face à ce naufrage annoncé, il est temps d’en appeler à un sursaut d’éthique et de patriotisme chez nos élites politiques.

Des réformes profondes s’imposent : transparence, lutte anti-corruption, refonte de la Haute Cour Constitutionnelle. Autant de chantiers titanesques, mais vitaux pour assainir durablement notre vie politique. L’heure est venue de refonder notre pacte démocratique, pour redonner aux citoyens foi en leurs institutions. La route sera longue, mais c’est à ce prix que nous bâtirons le Madagascar de demain.

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