Peu importe les crispations politiques du moment, la fête de l’indépendance à Madagascar demeure ce grand rendez-vous où toute une nation vibre à l’unisson. En cette année 2024, pas moins d’un mois de réjouissances grandioses est programmé pour célébrer le 64e anniversaire du 26 juin, jour phare de la fierté malgache. Tandis que l’ombre des soupçons de fraudes lors des législatives plane encore, la ferveur populaire pour cet asaramanitra traditionnel promet d’être plus ardente que jamais. Les autochtones comme la diaspora n’ont qu’une soif : s’immerger dans cette fetim-pirenena pour les Malgaches.
Madagascar au rythme d’un mois de liesse patriotique
Le 7 juin dernier, la capitale Antananarivo a donné le coup d’envoi des festivités avec une cérémonie militaire haut en couleur sur le parvis de l’Hôtel de Ville d’Analakely. Levée des couleurs, exposition sur l’Armée, concert populaire… autant de préludes à l’incontournable point d’orgue du 26 juin : le grand défilé militaire au stade Barea de Mahamasina.
Un déploiement de forces impressionnant est d’ores et déjà annoncé par les autorités, avec près de 3000 soldats, 800 véhicules et une escadrille de 4 hélicoptères. Un dispositif sécuritaire massif sera également déployé pour encadrer les 44 000 spectateurs attendus dans l’enceinte.
Mais cette fête de l’indépendance de 2024 revêtira aussi une dimension spirituelle essentielle, comme en témoigne le grand concert évangélique « Antsam-piderana ho an’ny Firenena » prévu le 23 juin.
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Antananarivo déjà en ébullition
Difficile de résister à l’appel de la fête quand l’ambiance de liesse gagne déjà les artères d’Antananarivo ! Depuis une semaine, les installations colorées des forains ont envahi le parvis de l’Hôtel de ville, sur l’Avenue de l’Indépendance, proposant manèges et stands en tout genre pour le plus grand bonheur des enfants.
L’autre haut lieu des réjouissances populaires n’est autre que le stade Betongolo, théâtre d’une kermesse militaire des plus animées. Démonstrations dynamiques des forces spéciales, stands de tir, attractions aquatiques… les familles peuvent déjà s’imprégner de l’esprit du 26 juin au plus près des soldats.
Une aubaine qui s’inscrit dans la volonté des autorités de « rapprocher l’armée de la population » à l’occasion de cet asaramanitra. Quoi de mieux pour éveiller des vocations chez les jeunes, comme l’espèrent les organisateurs ?
Une fête à l’ombre des remous politiques
Derrière les fastes de cette fête nationale malgache se cache cependant une réalité politique nettement moins réjouissante. En ordonnant la célébration sur un mois avec une ampleur rarement égalée, le pouvoir ne fait-il pas avant tout l’étalage de sa toute-puissance ?
L’interrogation demeure d’autant plus lancinante que ces festivités du 26 juin coïncideront peut-être avec la publication des résultats définitifs des législatives contestées. Un scrutin émaillé d’accusations de fraudes massives de la part de l’opposition et de la société civile. Des élections durant lesquelles la neutralité de la CENI et de la HCC a été aussi beaucoup remis en question.
Quelle sera alors la teneur de ces réjouissances patriotiques ? Refléteront-elles davantage les affres d’une nation plus divisée que jamais, ou bien l’union sacrée autour du drapeau fotsy – mena – maitso ? L’heure est au danger de voir cette fête de l’indépendance virer au symbole de légitimation politique pour le camp au pouvoir.
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Au pays du mora mora, la fête du Peuple malgré tout
Pourtant, quelles que soient les ambitions des puissants, rien ne saurait étouffer la joie populaire de revivre cette ferveur patriotique chaque 26 juin. Des rues animées d’Antananarivo aux moindres villages reculés, partout résonnera l’écho traditionnelle du « mora mora » et du « Faisons d’abord la fête et on verra après ».
À l’image de ces forains qui, dès à présent, enchantent les badauds conquis par leurs manèges hauts en couleurs. Ou encore des milliers de familles se pressant à la kermesse militaire pour se délecter des démonstrations spectaculaires. En ces temps d’épreuves, n’est-ce pas là le plus précieux des présents ?
Alors oui, les dures réalités de la pauvreté qui ronge Madagascar accentueront peut-être la dimension cathartique de ces agapes endiablées. Mais qu’importe ! L’essentiel sera de savourer cette année encore cet asaramanitra comme une bouffée d’oxygène vitale et ce doux rêve d’insouciance.