Le 26 juin 1960, Madagascar célébrait en grande pompe sa fête de l’indépendance, tournant ainsi une page décisive de son histoire. Plus de 60 ans après, alors que résonnent les échos du fetim-pirenena, une question s’impose : cette indépendance est-elle pleinement réelle ? Derrière les fastes des célébrations officielles de la fête de l’indépendance, se cache une réalité bien plus ambiguë. Car malgré les apparences, la Grande Île subit encore aujourd’hui une forme insidieuse de néocolonialisme français qui entrave sa véritable souveraineté, tant politique qu’économique. Une indépendance en trompe-l’œil, une pseudo indépendance qui mérite qu’on lève le voile sur ses ressorts cachés en cette fête de la dépendance de la France.

 

La mainmise française sur le processus électoral malgache

Parmi les mécanismes de cette tutelle postcoloniale, l’emprise de l’ancienne puissance coloniale sur le processus électoral malgache est l’un des plus emblématiques. Car derrière la façade d’institutions démocratiques souveraines, se dessine l’ombre de la France, qui n’a de cesse d’imposer ses schémas et ses hommes. Comment ne pas s’interroger sur les curieuses similitudes entre le modèle électoral de nombreux pays africains anciennement sous domination française ? Une « coïncidence » qui laisse sceptique en cette fête de l’indépendance. D’aucuns y voient la main de Paris, soucieuse de garder le contrôle sur des scrutins décisifs pour préserver ses intérêts. À Madagascar comme ailleurs, les soupçons d’ingérence dans la désignation de dirigeants acquis à la France n’ont jamais vraiment été levés. L’indépendance malagasy serait-elle à géométrie variable une fois passé le temps des urnes et des discours de la fête de l’indépendance ?

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Les instruments de domination économique de la France sur Madagascar

L’emprise néocoloniale de la France sur son ancienne colonie ne se limite pas à la sphère politique. Elle s’enracine aussi dans une domination économique savamment entretenue depuis la fête de l’indépendance. Ainsi, les accords de coopération économique signés au lendemain de 1960 ont souvent été qualifiés de « léonins« , perpétuant une relation déséquilibrée héritée du passé colonial. Sous couvert « d’aide au développement », la France a su conserver un droit de regard sur des pans stratégiques de l’économie malgache, tout en préservant les intérêts de ses entreprises, promptes à exploiter les ressources naturelles de la Grande Île. Une indépendance bien relative qui a parfois des allures de fête de la dépendance lorsqu’on examine certaines clauses de ces partenariats biaisés. Madagascar, comme tant d’autres anciennes colonies, éprouve encore bien des difficultés à se défaire de ces liens économiques néocoloniaux qui entravent son véritable décollage, loin des promesses d’émancipation de la fête de l’indépendance.

 

L’influence culturelle et politique de la France, vecteur de néocolonialisme

L’influence française sur Madagascar ne saurait se résumer à ses déclinaisons politiques et économiques. Elle s’immisce aussi insidieusement dans le milieu culturel et social malagasy, au point de remettre en question la portée des célébrations de la fête de l’indépendance. Ainsi, la francophonie, héritée de la colonisation, demeure le vecteur privilégié d’un « soft power » postcolonial savamment distillé. Loin d’être anodin, le choix persistant du français comme langue officielle et d’enseignement contribue à façonner des élites malgaches formatées à la française, de la maternelle aux grandes écoles hexagonales qui les accueillent. Une acculturation en douceur qui pose la question d’une indépendance culturelle inachevée, d’une fête de l’indépendance en version originale sous-titrée. Car ces élites ainsi formatées constituent un précieux relais d’influence pour la France, qui entretient des réseaux étroits avec la classe politique malgache. Des connivences qui peuvent laisser dubitatif sur la réalité du libre arbitre de Madagascar dans ses choix de société, 64 ans après la proclamation de son indépendance.

 

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Une démocratie malgache sous tutelle, entre façade et autoritarisme

À l’aune de ces influences néocoloniales multiformes, c’est la nature même de la démocratie malgache qui suscite le questionnement en cette fête de l’indépendance. Sous les oripeaux d’institutions républicaines calquées sur le modèle français, la réalité du pouvoir à Madagascar s’apparente souvent à un miroir aux alouettes. Les rouages de la souveraineté politique sont régulièrement grippés par une ingérence hexagonale qui ne dit pas toujours son nom. Ainsi, les grands choix stratégiques de la nation malagasy se voient subtilement orientés pour ne pas entrer en dissonance avec les intérêts français, limitant de fait la portée d’une fête de l’indépendance aux allures de coquille vide.

Dès lors, comment s’étonner des soubresauts autoritaires qui agitent épisodiquement la vie publique de la Grande Île ? Lorsque le jeu démocratique est à ce point corseté de l’extérieur, la tentation peut être grande pour le pouvoir en place de resserrer son emprise sur la société, face à une impasse politique savamment entretenue depuis des années. Une fuite en avant qui en dit long sur les pesanteurs postcoloniales d’une pseudo indépendance qui n’a pas su rompre avec la verticalité de la Françafrique.

 

Les perspectives d’une véritable indépendance pour Madagascar

Face à ce constat d’une souveraineté en trompe-l’œil malgré les célébrations rituelles de la fête de l’indépendance, se pose la question des voies d’émancipation réelle pour Madagascar. Pour rompre avec l’illusion d’une fête de la dépendance récurrente, c’est avant tout une refondation complète des relations franco-malgaches qui s’impose. Un « nouveau départ » qui passerait par une remise à plat des accords de coopération hérités de la période coloniale, pour laisser place à un partenariat véritablement égalitaire et mutuellement bénéfique.

Mais Madagascar gagnerait aussi à diversifier ses partenariats extérieurs, pour sortir de l’exclusivité étouffante d’une relation postcoloniale à sens unique. Encourager l’émergence d’une société civile vigilante et de contre-pouvoirs citoyens solides pourrait également constituer un rempart salutaire contre les dérives néocoloniales françaises qui entachent la portée du fetim-pirenena. Des leviers indispensables pour commencer à dessiner les contours d’une fête de l’indépendance qui ne serait plus seulement un leurre, mais le ferment d’une émancipation économique et politique au service d’un développement endogène et pérenne.

 

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Une fête de l’indépendance à reconquérir

En définitive, plus de 60 ans après la proclamation officielle de son indépendance, force est de constater que Madagascar n’a pas encore pleinement conquis sa souveraineté. Entre célébrations en trompe-l’œil d’une fête de l’indépendance corsetée et réalités d’une subordination néocoloniale récurrente, le chemin de l’émancipation réelle reste encore long et semé d’embûches pour la Grande Île. Mais en ce fetim-pirenena en demi-teinte, une aspiration sans cesse renouvelée au changement pointe à l’horizon. Celle d’une jeunesse malagasy qui n’entend plus se satisfaire des faux-semblants d’une pseudo indépendance trop longtemps croupie dans l’ombre de la Françafrique. L’espoir d’une génération débout, déterminée à se réapproprier l’essence même d’une fête de l’indépendance digne de ce nom. Car l’avenir de Madagascar ne saurait se construire sans une véritable libération politique et économique, seul gage d’un développement pérenne et inclusif au service de son peuple. Gageons que les ingrédients d’un réveil malgache soient déjà là, pour peu qu’on leur laisse l’opportunité d’éclore loin des rets d’un paternalisme postcolonial obsolète.

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