Madagascar, ce joyau de l’océan Indien, semble sombrer inexorablement dans les abysses d’une démocratie en perdition. À l’approche des élections municipales, les manigances éhontées du pouvoir en place pour évincer ses opposants les plus redoutables révèlent au grand jour sa conception pour le moins singulière du jeu démocratique. Entre une justice aux ordres, des intimidations dignes des pires mafias et une répression systématique de toute voix dissonante, la recette de la mascarade électorale semble plus que rodée. Plongée dans les eaux troubles d’un scrutin qui s’annonce d’ores et déjà vicié jusqu’à la moelle.
L’art subtil d’écarter les gêneurs
Dans cette pièce de théâtre politique ubuesque, le pouvoir excelle dans l’art de la mise en scène pour éliminer méthodiquement ses rivaux. L’invalidation providentielle, pour ne pas dire loufoque, de la candidature de Marc Ravalomanana à la mairie d’Antananarivo ? Un classique éculé, digne des meilleures républiques bananières. L’arrestation ciblée d’opposants un poil trop remuants ? Une ficelle cousue de fil blanc qui ne trompe plus personne. Circulez, bonnes gens, il n’y a rien à voir ! La farce est jouée d’avance, les dés sont pipés. Car ici, les lois ne sont que des jouets entre les mains des puissants, des armes de destruction massive de toute concurrence politique. Un État de droit à géométrie variable, où seuls les amis du château ont le droit de jouer sur le grand échiquier électoral. Les autres ? Dégagez le plancher, et en vitesse !
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L’indépendance de la justice, cette grande illusion
Dans cette vaste comédie, la justice joue un rôle de composition, savant mélange de Guignol et de Pinocchio. Indépendante, impartiale, équitable ? Vous voulez rire ! Ici, dame Thémis a depuis belle lurette bazardé ses nobles principes au profit d’une allégeance aveugle aux désirs des princes qui nous gouvernent. Deux poids, deux mesures, c’est sa devise. Une régularité fiscale en toc, qui ferme les yeux sur les magouilles des copains, mais devient subitement inflexible dès qu’il s’agit de descendre un opposant. Une justice qui distribue les brevets d’impunité comme des petits pains aux auteurs de coups d’État foireux, aux faussaires de haute volée et aux mutins sans foi ni loi, pourvu qu’ils aient la bénédiction de Jupiter. Le bandeau qui recouvre ses yeux n’est qu’un cache-misère, qui masque mal son inféodation honteuse à l’exécutif. Pathétique.
Antananarivo, miroir d’un pays en déliquescence
Antananarivo, capitale délabrée d’un pays en pleine débandade. Ses rues crasseuses, repaires d’une insécurité galopante, sont le reflet d’un Madagascar exsangue, ravagé par l’anarchie et les pénuries en tout genre. Mais pendant que la Grande Île sombre corps et biens dans le chaos, ses dirigeants, tels des Néron des temps modernes, s’adonnent à leur sport favori : la traque obsessionnelle de leurs opposants. Traquer la moindre voix qui ose s’élever, écraser dans l’œuf toute velléité de protestation, voilà leur grande affaire. Au pays des aveugles, les borgnes sont rois, dit le proverbe. Ici, sur cette terre de cécité politique, ce sont les sourds et les autistes qui tiennent le haut du pavé. Pendant ce temps-là, Tana agonise, étranglée par la misère et le désespoir. Mais qu’importe, le pouvoir, lui, se porte bien. Circulez, il n’y a rien à voir !
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Échec et mat démocratique
Élections municipales, vous avez dit ? Municipales, oui, mais démocratiques, permettez-nous d’en douter. Dans ce grand guignol électoral qui se profile, les ficelles sont tellement grosses qu’elles transforment le scrutin en pantalonnade grotesque. Madagascar, cet éden tropical à la beauté envoûtante, mérite tellement mieux que cette farce indigne, que cette parodie de démocratie qui désespère son peuple et déshonore son histoire. L’heure est venue de renverser la table, de redistribuer les cartes, pour que résonnent enfin sur la Grande Île les vraies valeurs de la démocratie : la liberté, la justice, l’alternance. Sinon, c’est un véritable suicide démocratique qui guette notre nation. Un suicide qui pourrait bien emporter avec lui les faux dieux qui nous gouvernent. Car à force de jouer avec le feu du despotisme, on finit toujours par se brûler les ailes. Même sous les tropiques.