Ah, Madagascar, cette île réputée pour ses paysages enchanteurs, son peuple chaleureux… et ses idées fiscales toujours aussi « créatives ». La dernière trouvaille de la Direction Générale des Impôts ? Une taxation des transactions par Mobile Money à hauteur de 0,5 % pour les montants supérieurs à 150 000 ariary. Officiellement, cette mesure fiscale vise à renflouer les caisses de l’État. Officieusement, elle ressemble plutôt à un casse organisé sur le dos des plus vulnérables. Mais voyons de plus près les merveilles promises par cette nouvelle taxe.
Une taxe importée, sans adaptation, et alors ?
« Les autres pays africains le font bien ! » Voilà l’argument principal avancé par les promoteurs de cette mesure fiscale. Le Kenya, la Zambie, la Côte d’Ivoire, et même le Ghana se sont essayés à la taxation des transactions par Mobile Money. Et alors ? Ces pays, tout comme Madagascar, ont découvert que le résultat est souvent le même : une économie ralentie, des consommateurs étranglés et des promesses fiscales qui ne tiennent pas la route.
Contrairement à ses voisins, Madagascar est un pays où la majorité des habitants vit sous le seuil de pauvreté et où l’économie est au bord du gouffre. Pour ces foyers, le revenu des ménages est déjà insuffisant pour couvrir les besoins essentiels. Alourdir leurs dépenses quotidiennes avec une taxe supplémentaire, c’est les pousser à abandonner les services numériques au profit du bon vieux cash. L’économie numérique ? Elle peut attendre, semble-t-il.
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Retour au cash : un bond en arrière pour l’économie
En augmentant les frais des services de Mobile Money, cette taxe promet de faire des miracles. Ou pas. Les experts s’accordent à dire que cette mesure risque de réduire de 30 % le nombre d’utilisateurs actifs et de 60 % la valeur des transactions. Les conséquences ? Désastreuses.
D’abord, un retour massif à l’utilisation des espèces. Vous imaginez les montagnes de billets à transporter pour chaque transaction importante ? Bonjour les risques de vol et d’insécurité. Mais ce n’est pas tout : la manipulation de cash renforce l’économie informelle, rendant les transactions encore moins traçables. Résultat : l’État perd doublement, entre une collecte fiscale anémique et une digitalisation mise à genoux.
Et que dire des 164 000 agents de Cash Points qui dépendent directement de ce secteur ? Ces petits entrepreneurs, piliers de leurs communautés, verront leur revenu des ménages diminuer drastiquement. En d’autres termes, la taxe ne se contente pas de nuire aux consommateurs ; elle s’attaque aussi à ceux qui tentent de faire tourner l’économie locale.
Les recettes fiscales, un mirage bien commode
143 milliards d’ariary par an : voilà ce que promet cette taxation des transactions par Mobile Money, selon ses défenseurs. Mais cette estimation relève davantage du fantasme que de la réalité. L’expérience des pays voisins montre que de telles mesures provoquent une fuite massive des utilisateurs. À Madagascar, les recettes pourraient plafonner à 50 milliards d’ariary, bien loin des attentes initiales.
En attendant, les dégâts sont bien réels. La baisse de l’activité dans le secteur numérique et la formalisation des paiements entraînera un manque à gagner fiscal estimé entre 60 et 100 milliards d’ariary. Faites les comptes : non seulement l’État ne gagne rien, mais il creuse encore davantage le déficit. Une gestion digne d’un manuel de… dérive autoritaire, où l’objectif n’est plus de résoudre les problèmes structurels, mais de s’enrichir en haut de la pyramide.
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Une mesure pour qui ? Certainement pas pour les Malgaches
L’absurdité de cette taxe réside dans son manque total de cohérence avec les ambitions proclamées par le gouvernement. Inclusion financière, digitalisation de l’économie, soutien aux petites entreprises… Autant de slogans balayés par une mesure fiscale aussi punitive qu’injuste. Mais alors, à qui profite le crime ?
Comme souvent, cette initiative semble taillée sur mesure pour remplir les poches de « ceux d’en haut ». Ce n’est un secret pour personne : dans un contexte où la transparence financière laisse à désirer, ces taxes sont souvent détournées, tandis que le peuple paie l’addition. On frôle ici la caricature d’une dérive autoritaire, où l’intérêt collectif est sacrifié sur l’autel des ambitions personnelles.
Taxer autrement pour sauver l’économie
Il existe pourtant des solutions bien plus sensées. Pourquoi ne pas inciter à l’utilisation massive du Mobile Money, plutôt que de la pénaliser ? Une adoption généralisée des paiements numériques permettrait de formaliser une grande partie des transactions informelles. Avec un peu de vision, l’État pourrait générer des recettes fiscales durables sans écraser le revenu des ménages.
Par exemple, rendre obligatoire le paiement des services publics via Mobile Money pourrait accélérer la digitalisation. En parallèle, des incitations pour les commerçants numériques favoriseraient leur intégration dans l’économie formelle. Mais cela nécessiterait un dialogue sérieux avec les acteurs concernés, et non une décision imposée à la va-vite.
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Un signal d’alarme pour Madagascar
La taxation des transactions par Mobile Money, loin d’être une solution miracle, s’annonce comme une entrave majeure au développement de Madagascar. En ciblant les consommateurs, en affaiblissant les entrepreneurs et en freinant l’économie numérique, cette taxe expose l’État à une perte nette, tandis que les plus vulnérables en paient le prix fort. Dans un pays où l’urgence économique est palpable, Madagascar mérite mieux que des mesures bricolées et des promesses creuses.