Le canal C3 est au cœur du projet de Développement Urbain Intégré et de Résilience du Grand Antananarivo, plus connu sous le nom de projet PRODUIR. Cette initiative, qui s’étendra jusqu’en 2025, vise à réhabiliter cette infrastructure essentielle pour protéger la capitale malgache des inondations pluviales. S’étirant sur 12 kilomètres, des bassins tampons d’Anosibe jusqu’à la station de pompage d’Ambodimita, le canal C3 traverse certains des bas quartiers d’Antananarivo les plus vulnérables, comme Andavamamba et 67 ha.
L’objectif est clair : restaurer le canal pour prévenir les inondations qui frappent chaque année la ville, aggravées par le changement climatique. Avec plus de 115 000 m³ de boue à enlever et des infrastructures à moderniser, ce chantier est ambitieux. Pourtant, si l’intention semble louable, la réalité sur le terrain révèle des défis sous-estimés qui pourraient mettre en péril la réussite de l’initiative.
Les travaux incluent le curage du canal C3, ainsi que la construction de murets facilitant la circulation le long des berges et de nouvelles passerelles pour améliorer la mobilité urbaine. Cependant, la portée de ces efforts, bien que nécessaires, reste insuffisante sans une réflexion plus large sur les problématiques structurelles qui pèsent sur la capitale.
Les défis rencontrés : Lenteur des travaux et impacts sur la population
En dépit des ambitions du projet PRODUIR, l’avancée des travaux laisse à désirer, en particulier dans les zones sensibles comme les 67 ha. Les retards cumulés provoquent des embouteillages monstres, aggravant les conditions de vie déjà précaires des habitants. Ces quartiers souffrent d’un manque chronique d’infrastructures, et la lenteur des opérations compromet l’objectif même de réduire les risques liés aux inondations.
L’ampleur du projet exige des moyens humains et matériels considérables, et les perturbations créées par les chantiers sont loin d’être anodines. Aux 67 ha, les habitants sont quotidiennement confrontés à des embouteillages interminables causés par les travaux de curage du canal C3. Ces désagréments, loin d’être temporaires, soulignent l’incapacité des autorités à anticiper l’impact de telles interventions sur la vie urbaine.
De plus, il convient de se demander si la réhabilitation du canal C3 suffira à protéger durablement Antananarivo. Les zones inondables de la capitale nécessitent une approche intégrée qui va au-delà du simple curage du canal C3. Les quartiers touchés sont caractérisés par une absence de réseaux d’évacuation adéquats, ce qui conduit les habitants à déverser leurs eaux usées, et parfois même leurs déchets solides, directement dans le canal.
Cette réalité, qui n’est malheureusement pas nouvelle, met en lumière un problème de fond : l’absence d’infrastructures de base dans les bas quartiers d’Antananarivo. Tant que ces problèmes ne seront pas résolus, le curage du canal C3 ne sera qu’une solution provisoire.
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Une solution durable ou provisoire ? Les risques de retour à la case départ
Une fois les travaux achevés, qu’est-ce qui garantit que le canal C3 ne sera pas de nouveau obstrué par les mêmes pratiques ? Les quartiers traversés par le canal, souvent parmi les plus pauvres de la capitale, ne disposent pas de systèmes d’assainissement adaptés. Le canal, en l’absence d’alternatives, reste le principal exutoire des eaux usées des habitants.
Sans une amélioration des infrastructures d’assainissement et une gestion plus rigoureuse des déchets, les efforts réalisés risquent d’être vains. Il est impératif de mettre en place des campagnes de sensibilisation à destination des résidents des bas quartiers d’Antananarivo, en leur fournissant les moyens de se conformer à des pratiques respectueuses de l’environnement. Mais au-delà de la sensibilisation, l’État doit investir dans des infrastructures pérennes. Sans cela, le curage du canal C3 ne sera qu’un énième pansement temporaire sur une plaie béante.
En outre, l’entretien régulier du canal doit être garanti. Trop souvent, des projets d’infrastructure de grande ampleur sont abandonnés après leur lancement, faute de financement ou de suivi. Il est crucial que les autorités locales prévoient des mécanismes de maintenance à long terme pour éviter un retour à la case départ. Le canal C3, même réhabilité, continuera à jouer un rôle central dans la gestion des eaux pluviales et des inondations. Si son entretien est négligé, les quartiers environnants redeviendront des zones inondables, rendant inutile l’investissement colossal réalisé.
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Le projet PRODUIRE face aux réalités d’Antananarivo
Le projet PRODUIR est une initiative qui, sur le papier, a tout pour réussir. Il s’inscrit dans une volonté de moderniser Antananarivo et de protéger ses habitants des inondations, tout en améliorant la mobilité urbaine et en renforçant les infrastructures locales. Cependant, la réalité du terrain montre que les défis sont nombreux et que les solutions proposées risquent de ne pas suffire à elles seules.
La capitale malgache fait face à des problématiques structurelles profondes, que ni le curage du canal C3, ni la construction de nouvelles passerelles, ne pourront résoudre sans une véritable transformation des bas quartiers d’Antananarivo. Il est impératif que des solutions à long terme soient envisagées, notamment en matière de gestion des déchets et d’assainissement, afin d’éviter que les efforts fournis ne soient rapidement anéantis.
Le gouvernement et les autorités locales doivent également assurer un suivi rigoureux des travaux et de leur impact à long terme. Trop souvent, des projets d’envergure sont lancés avec fracas pour ensuite être abandonnés une fois les inaugurations passées. Si le canal C3 redevenait un dépotoir à ciel ouvert après le curage, cela représenterait un échec cuisant pour Antananarivo et pour ses habitants.
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Antananarivo face à ses défis environnementaux : une urgence à ne pas sous-estimer
En conclusion, le curage du canal C3 est une opération nécessaire, mais insuffisante pour répondre aux enjeux environnementaux et sociaux d’Antananarivo. La capitale malgache, confrontée aux aléas du changement climatique et à une urbanisation mal maîtrisée, a besoin d’une approche plus intégrée et durable. Le projet PRODUIR, bien que louable, doit être complété par des investissements en infrastructures de base et une sensibilisation des populations pour éviter que les quartiers environnants ne redeviennent des zones inondables.
La protection de la ville passe par une véritable transformation de ses bas quartiers, et non par des interventions ponctuelles qui, sans suivi et entretien, ne feront que repousser le problème à plus tard.