À l’approche du 26 juin, ferveur patriotique oblige, Madagascar s’apprête une nouvelle fois à célébrer sa liberté retrouvée dans les fastes. Mais cette année, les festivités promettent d’atteindre des sommets en termes de faste et de spectaculaire. En gage du panache dont il aime à se parer, le pouvoir a décrété qu’un spectacle de drones illuminerait le ciel de la capitale dans la soirée du 25 juin. Une démonstration de puissance technologique certes impressionnante, mais dont l’addition risque d’être tout aussi… stratosphérique ! Dans la Grande Île prisonnière de l’essor à pas comptés, ce choix audacieux soulève quelques interrogations légitimes.
Les différents types de spectacles de drones qu’on peut faire à Madagascar
Petits concentrés de magie aérienne, les spectacles de drones qu’on peut faire à Madagascar se déclinent en de multiples formats pour répondre aux ambitions les plus effrénées. Bien que radicalement inédits pour la fière île Rouge, ces ballets de lumières s’inscrivent dans des codes maintes fois éprouvés ailleurs. Prenons par exemple les shows ponctuels, véritables orgies éphémères célébrant les grands événements. Que ce soit le lancement tapageur d’un produit ou l’écrin étincelant d’une compétition sportive, quelques minutes de magie numérique suffisent à marquer les esprits.
A Madagascar, on prétend à bien plus qu’un simple drones show d’apparat ! Le projet officiel fait la part belle à une prestation digne des plus grandes institutions culturelles. Un spectacle, entièrement dédié à exalter la nation malgache dans les moindres détails. Un hymne à la gloire du pays porté par la technologie de pointe et une mise en scène de haut vol.
Voilà donc des options déjà bien coûteuses. Ajoutez à cela les possibles adjonctions de campagnes marketing ou de mises en scène spécialement dédiées, et le tableau financier se corse encore. Chaque minute supplémentaire de cet embrasement céleste s’échangera très certainement au prix… fort !
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Les critères de tarification d’un spectacle de drones à Madagascar
Au-delà de la nature de la prestation, nombreux sont les paramètres qui entrent en jeu pour faire gonfler la facture d’un spectacle de drones à Madagascar. Premier poste de dépense pour ce type d’événement : la gestion de projet en amont et la logistique afférente. Faire venir les équipes de réalisateurs au pays, assurer la coordination des équipes, convoyer le matériel dans les temps… Autant de procédures ubuesques qui nécessiteront leur écot pour se frayer un chemin dans le dédale administratif local.
Ensuite, la création artistique fait figure de joyau dans l’écrin budgétaire. Directeurs artistiques, techniciens, ingénieurs… Tout un état-major de talents sera mobilisé pour convertir les armadas de drones en pures féeries célestes.
Enfin, les opérations sur site, principal temps fort, dicteront aussi leur sentence financière. Des répétitions aux représentations, chaque jour gourmand en frais de logistique et de main-d’œuvre fera immanquablement grimper l’addition. Nombre et autonomie des drones, durée du spectacle… Autant d’armes redoutables pour entailler durablement les finances nationales !
Exemples de tarification des spectacles de drones en Europe
Que les chiffres parlent enfin ! Ces ballets aériens défiant les lois de la gravité ont de quoi faire tourner les têtes des comptables les plus aguerris. Prenons Dronisos, poids lourd européen qui a déjà enflammé bien des ciels étoilés. Dans ses offres sur catalogue, le studio aligne un tarif de base : 40 000 € (190 000 000 Ariary) pour une armada de 400 drones. Mais gare aux suppléments ! Car à peine effleure-t-on la personnalisation que les prix montent en flèche. 80 000 € (380 000 000 Ar) constitue ici le prix à payer pour décrocher les étoiles.
La société Allumee n’est pas en reste avec ses tarifs « grand public » démarrant à 16 000 € HT (76 000 000 Ar). Mais cette entreprise de drones show préfère chanter son prix au cas par cas, connaissant les exigences folles qui peuvent enfler la facture à tout moment.
À Madagascar même, pour fêter dignement la Fête de l’Indépendance, on murmure qu’un spectacle « modeste » de 400 drones reviendrait au bas mot à… 190 millions d’Ariary !
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Feu d’artifices ou fuite en avant ?
C’est peu de dire que cette ambition céleste pour célébrer le retour de l’Indépendance de Madagascar fait déjà des vagues dans l’océan des priorités nationales. Dans un pays où près des trois quarts de la population lutte chaque jour pour subsister, dépenser des sommes aussi pharaoniques pour un spectacle éphémère relève d’un cruel paradoxe.
Au lieu de ces envolées de drones détachées des réalités du terrain, ces investissements colossaux ne seraient-ils pas mieux employés à semer les graines d’un avenir durable pour tous les Malgaches ? Infrastructures, éducation, santé… Autant de défis criants qui mériteraient leurs feux de la rampe avant ces caprices de grands seigneurs.
Mais la fête doit-elle vraiment avoir un goût amer ? C’est la douloureuse équation que le pouvoir aura à résoudre… ou pas.